Dans chaque Raid long et extrême, une étape sort fréquemment du lot pour rester gravée à jamais dans le marbre. L'étape du 3ème jour sera cette fameuse étape qu'on ne peut pas oublier et qui ressortira constamment lorsqu'on reparlera de ce raid aventure à nos proches ou entre nous.
4h du matin, les coureurs sont sous l'arche de départ, les yeux embrumés, les sacs chargés à bloc, un sentiment d'angoisse, d'excitation et de doutes nous envahit. Qu'est qui nous attend? Cette première section de 95km de Vtt est annoncée difficile car de nombreux passages se feront sur le sable, comme des congères qui envahissent les routes enneigées de nos montagnes. Mais cette fois-ci, les congères seront sableuses.
Le départ est donné, 3, 2, 1, Goooooooooo......
La route est un peu défoncée, il faut faire très attention et surtout, ne pas chuter sur des nids de poules ou autres obstacles qui envahissent notre parcours au coeur de cette nuit étoilée. Nous décidons de ne pas nous enflammer, partir prudemment pour être sur d'arriver dans un état potable à la section Désert.
Les pelotons se forment, nous sommes en compagnie de l'équipe d'Issy Aventure pendant une cinquantaine de kilomètres. Sam mène ce peloton sur un bon rythme, personne ne pourra relayer notre Contador à nous, il est vraiment impressionnant le Sam en vélo, un vrai mulet. Puis, le sable apparaît et envahit la piste, il faut régulièrement descendre du vélo, remonter, pousser, descendre, remonter,... Ca y est, nous venons de franchir les véritables portes du désert. Notre route serpente entre les dunes vers l'infini sableux. Le soleil s'invite à la partie et irradie les dunes, la route et les coureurs.
Voilà bien une chose que je n'avais encore jamais eu l'occasion de faire : du vélo dans le désert.... Magique.
Les équipes se détachent, nous récupérons petit à petit de nombreuses équipes éreintées par tous ces efforts et peut-être parties bien trop vite. Nous arrivons au dernier CP retrouvant 4 ou 5 équipes entrain de se ravitailler. Nous décidons d'enchaîner pour rester au contact notamment des sympathiques Néo-Calédoniens. S'ensuit une trentaine de km plus roulants, qui nous redonne du rythme, restant au contact de ces équipes.
Puis, il apparaît, comme un mirage, sortant de nulle part, le fameux hôtel de Qasr Al Sarab, planté là, au milieu des dunes, au milieu du désert, au bout de 5h46 de vélo qu'il nous faut démonter en 30 minutes chrono, ce chrono redémarrant à l'issue de ce stop time imposé.Nous nous organisons, Sam et Eric démontent les pédales automatiques et s'occupent des vélos pendant qu'on remplit les poches à eau pour le long voyage.
10h20, nous sommes dans le créneau le plus chaud de la journée, jusqu'à 16h, ce sera l'enfer. Après avoir ouvert les portes du désert en vélo, nous entrons maintenant dans le four, dans la fournaise. Et pourtant, il nous faut repartir pour la section désert à pied. 6 CP, 4 CP bonus valant 6h à choper si possible. Il est 10h20, et nous avons jusqu'au lendemain 18h pour arriver, pas une minute de plus. Nous allons donc passer quasiment 32h dans le milieu à la fois magique et hostile du "Quartier Vide", surnom du désert Rub Al Khali. Important, nous devons obligatoirement prendre 8h de repos à découper en 2 phases. Important bis : L'eau n'est fournit qu'aux CP officiels, rien au CP bonus (et ça, c'est très important).
Normalement, sur ces étapes, nous devrions courir sur le plat, les lacs salés et les descentes de dunes. Nous préférons assurés et préserver notre Eric en marchant dès le début de la section. Les 1ers CP sont passés, nous revenons sur le Team Lafuma, le Lapin commençant à rotir (surnom de Gilles Lelièvre, énormissime raider). Pour le moment, ça se passe plutôt bien, nous décidons de prendre 6h de repos au CP4, à 17h. Cela fait tout de même 13h qu'on est en course (depuis 4h du matin). On retrouve l'équipe de Franck Garcin à ce CP ainsi que bien d'autres équipes. Le souci est que je ne vais pas réussir à m'endormir, du coup, j'aurai reposer les jambes mais pas de repos de sommeil (trop de bruit, tension élevée,....).
Nous repartons à la nuit, vers 22h, en direction du bonus CP4+. Le dunes sont de plus en plus grandes et le plus important, on est en sens inverse du vent, du coup on se tape de véritables murs de sables à grimper, à pagayer dans la semoule. Ces dunes sont des montagnes pouvant faire 200m de D+, quand tu descends, tu as l'impression de descendre dans la vallée, incroyable. En direction de CP5, je ressent les symptômes du sommeil... Je m'y attendais vu mon repos raté du CP4. Je dors debout, titube, les yeux se ferment. C'est simple, je ne me rappelle quasiment pas de cette section CP4+ au CP5. Mes compagnons de route ont bien compris mon état, mais de toute manière, on doit aller au CP coûte que coûte, donc, va falloir prendre sur moi et gérer ce long moment de solitude.
On décide de prendre nos 2h de repos obligatoire au CP5, entassés à 4 dans la tente ripaire, en tête bêche, c'est-à-dire un dans un sens, l'autre en sens inverse, comme des sardines en quelque sorte. Et comme j'ai du bol, j'ai pour voisin à 2 cm de mon nez les pieds et chaussettes d'Eric. Anesthésié complet le lolo, je tombe raid drogui et drogué par ce shoot ma fois naturel et efficace.
Nous reprenons notre route à 6 heures du matin, décidant d'aller directement au CP6, sans aller chercher la bonus CP5+. Sam nous fait une belle trace, comme dans la neige, puis nous pointons le CP6 à 9h45, sous la chaleur qui recommence à plomber l'atmosphère. La limite horaire pour pouvoir aller au bonus CP6+ était de 10h, du coup, comme il est 9h45, on a encore la possibilité d'y aller.
Eric, nous conforte dans l'idée de tenter cette opportunité même si il n'est pas au mieux, c'est un warrior notre Eric. C'est alors que je sors les 4 lyophilisés compote vanille. Un peu d'eau dans chaque lyo, et on boit cet élixir qui nous redonne des forces morales pour affronter cette dernière grande section dunesque. A partir du CP6, nous n'aurons plus de ravitaillement en eau, et cela pour une durée de 8h, en plein cagnard. On charge les mules en eau, et c'est reparti. Je prends le relais de Sam pour tracter Eric jusqu'au CP6+.
Nous sommes face à de véritables tsunamis, les dunes se transformes en vagues gigantesques, incroyable, c'est le CP le plus difficile à aller chercher. Le GPS au poignet, je vois notre progression, et attend que mes coéquipiers me demandent "combien il reste" pour leur dire, car notre progression dans cette immersion totale désertique est lente.
Les gourdes et poches à eau sont bouillantes : C'est comme si vous mettiez la T° de l'eau de votre robinet à 40° et que vous buvez cette eau chaude, alors que vous mourrez de soif.
Heureusement, je retrouve un stick de soupe de récupération Nutratlétic que je mets dans un bidon d'eau bouillante. Quitte à boire de l'eau chaude, autant se taper une souplette. Je fais ainsi tourner l'offrande à ma troupe qui salue en coeur cette initiative. Comme quoi, la prochaine fois, j'emmène du thé, du Yogi Tea et des soupes.
Ca y est on est au CP 6 au bout de 2h45 de ramonage pour 11km de CP à CP, à vol d'oiseaux.....
Comme je le soulignais, pas de ravitaillement au CP bonus, nous repartons donc pour les 13 derniers km de notre traversée du désert. Il ne nous reste plus que 4 heures pour rentrer au bercail.
Les dunes sont moins hautes, et le tracé plus roulant, ouf.... Ca va le faire. Le soleil brûle, transperce nos cuissards noirs, c'est fou, jamais eu cette sensation de surchauffe notamment aux endroits les plus intimes?
J'ai enfin compris pourquoi il fallait éviter le noir directement sur la peau.
C'est gagné, on arrive enfin au milieu de nulle part, 1h15 avant la porte horaire. J'suis séché, la caille est complètement crâmée, dorée à point. Je croise Luc, le journaliste d'Endurance Trail qui à sa tête, me fait comprendre que mon visage est marqué, les traits sont tirés, désydratée complète la Loutre.
On a bien fait d'aller chercher coûte que coûte cette option qui nous permet de conforter notre 20ème place, sinon, nous allions rétrograder de 5 ou 6 places.
Mais voilà, c'était "l'étape", la grande Bambée, une section extrême comme on les aime, mais qu'il est beau ce désert, qu'il est beau.... j'suis fan!